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RAPHAËL ZARKA

Artiste plasticien

Nous nous sommes retrouvés dans son atelier où nous avons parlé de skateboard, de Galilée, de la gravité, de volumes, de casse-têtes. Entre autres…

Lia : Juste avant de te retrouver, je prenais un café avec Judith Prigent, elle m’a parlée d’un village en Sicile qui aurait subi une catastrophe naturelle et où tu as réalisé une vidéo. 

Raphaël : Oui, c’est Gibellina, à une heure au sud de Palerme, un des trois a avoir été rasé par un tremblement de terre dans les années 60. Au-delà de la tragédie humaine que ça représente, ce qui est intéressant, c’est qu’on a choisi trois solutions différentes pour faire face aux ruines. Un village a été reconstruit sur place, un autre demeure à l’état de ruine, on peut les visiter, le troisième, Gibellina, a été recouvert par une sculpture géante d’Alberto Burri. Gibellina, a été reconstruit à 20km du site original près de l’autoroute. Et le maire, un fan d’art contemporain,  a transformé son petit village de bergers et d’agriculteurs en musée de sculptures à ciel ouvert. Alberto Burri ne voulait pas réaliser une pièce pour le nouveau village mais à partir des ruines. Burri a fait un truc super beau, il a pris une petite plaque d’argile et sur cette plaque il a tracé les rues principales du village et il a laissé craqueler l’argile. Ça lui a servi de maquette. Toutes ces craquelures agrandies à l’échelle du village sont devenues des rues praticables. Les décombres ont servi de remblais, et tout a été recouvert de béton jusqu’à une hauteur de 1m50, 1m70 environ selon les endroits. Ça fait penser à un labyrinthe où tu as la mémoire du village mais aussi celle d’un mini tremblement de terre, celui de la plaque d’argile qui, en séchant, a dessiné les chemins de la sculpture de Burri.

Lia : Finalement, l’œuvre de Burri s’est imprégnée dans l’espace comme une empreinte de l’histoire de ce village. Comment es-tu intervenu dans l’espace ? 

Raphaël : L’œuvre est le sujet de la vidéo. Je ne me sens pas vidéaste, c’est toujours la sculpture qui m’a intéressée. Au début, c’était des sculptures trouvées, j’utilisais la photographie pour faire des images de sculptures, des choses que j’aurais aimé pouvoir faire à l’époque. Les premières photos de volumes en béton isolés dans la campagne ou sur des terrains vagues, celles de la série « Les Formes du Repos », datent de 2001.

Lia : Dans ton approche de la sculpture, des volumes, il y a toujours l’idée de la circulation. Je pense notamment à la promenade filmée au milieu des failles de Burri mais aussi à tes installations pour un skate-park.  

Raphaël : Oui, c’est vrai, notamment dans les vidéos. Les photographies étaient plus formelles, du moins dans une tradition plus picturale, liées à la nature morte. Les vidéos, ça avait commencé dès les beaux-arts, on avait fait un projet avec Vincent Lamouroux qui s’appelait « Le Pentacylce », c’était notre projet de diplôme. Une espèce de véhicule qu’on avait conçu pour s’adapter au monorail de l’aérotrain de l’ingénieur Bertin dans la Beauce, au nord d’Orléans, un train sur coussin d’air conçu dans les années 60. Une photographie du rail faisait déjà partie des «Formes du Repos », mais pour nous, c’était un fossile du mouvement, un espace à réactiver. Avec « Le Pentacycle », c'était avec un véhicule fabriqué. Dans une deuxième vidéo, « Rooler Gab », que j’ai réalisé seul, le site est un skatepark abandonné dans au pied des Cévennes, dans la garrigue, qui était aussi un terrain de chasse et cette fois, c’est un chien de chasse que l’on suit. À Gibellina, c’était un personnage qui porte un casque qui aurait dû être identifié comme une sculpture, une sculpture qui n’a finalement jamais été exposée donc cet aspect du projet n’a pas fonctionné, mais cette fois, on suivait les déplacements d’un personnage à tête de quelque chose. « Cretto », le titre de l’œuvre d’art de Burri, signifie faille ou craquelure en italien, mais bien sûr ça évoque aussi la Crète, l’île du Minotaure donc et son labyrinthe. Pour moi, c’était un homme-sculpture qui se baladait dans une sculpture labyrinthique. 

Lia : Ce que tu me décris me fait penser au film « Le testament d’Orphée » de Cocteau  dans lequel on retrouve un personnage à la tête de cheval qui déambule au sein d'une carrière.

Raphaël : Tout à fait, c’est peut-être une influence inconsciente, en tous cas, c’est un film qui m’a beaucoup marqué visuellement. 

Lia : Pour revenir à cette idée de déambulation, du déplacement du corps dans l’espace, tu pratiques le skate depuis l’enfance ?

Raphaël : Oui, ça a toujours été une passion même si le skate a mit du temps à s’intégrer dans mon travail plastique. Je trouvais ça trop anecdotique, trop lié à une subculture qui a ses codes etc. Aux beaux-arts, je n’en parlais jamais avec mes profs. Et quand je t’ai décris la deuxième vidéo qui se déroulait dans un skatepark, j’aurais dû préciser qu’il s’agissait d’un skatepark qui ne ressemblait pas du tout à l’idée qu’on s’en fait... Un skatepark avec un teleski… Et le chien contribuait à rendre l’espace plus ambigüe. En 2002, j’ai commencé à écrire sur le skate. C’est quelque chose qui m’encombrait un petit peu, c’était une passion qui ne me quittait pas, comme quelque chose qui me rattachait à l’adolescence alors qu’avec tout ce que j’avais appris aux beaux-arts et la personne que j’étais devenu grâce à l’école, il y avait une espèce de fourche, ou plutôt, deux pistes parallèles. D’un côté ma passion pour l’art et des artistes comme de Chirico, Joseph Beuys etc. et de l’autre, ma passion pour le skate, les figures, les rampes d’escaliers etc. A cette époque là, il y avait quelque chose d’inconciliable. Donc, au début, c’était assez distinct, il y avait d’un côté mes recherches sur le skate, mon premier essai « La Conjonction interdite » et de l’autre côté mon travail plastique, même si deux photographies des  « Formes du repos » documentaient déjà des skateparks abandonnés. 

Lia : Comme deux courbes mises en parallèle qui ont fini par se rejoindre ?

Raphaël : Progressivement, oui. En 2005, j’ai découvert des objets qu’avait fabriqué Galilée au 17e siècle en forme de rampe de skate pour tester la chute des corps. Et cette découverte a fait se croiser l’histoire des sciences et les formes produites par le skate. Tout un coup, dans un même objet, il y avait une espèce de nœud et j’ai commencé à travailler autour de ce nœud là, en construisant des répliques des objets de Galilée. La grande rampe de skate que j’avais installée sur le parvis de la Fiac entre le grand et le petit palais en 2018 c’est la même idée. Mais cette fois, il s’agissait de construire un instrument galiléen à l’échelle d’une rampe de skate, de souligner d’avantage cette formelle et opératoire. Sur ma « Rampe Cycloïdale », les skateurs rejouent, souvent sans le savoir, des expériences de l’histoire de la physique.

Lia : Tu parlais d’encombrement comme si ta passion pour le skate pouvait faire l’objet d’un complexe. Est-ce que la découverte des objets de Galilée a permis de décomplexer le lien entre ta passion et ta pratique ? Une sorte d’autorisation de pouvoir concilier les deux cultures grâce à Galilée ? 

Raphaël : Oui, une forme d’autorisation mais aussi sorte d’émancipation. Tout d’un coup, je faisais des hautes études, je me découvrais des passions pour l’histoire et la théorie de l’art, la littérature, le cinéma, des choses qui me faisaient sortir du village où j’ai grandi. Je pensais alors que c’était inconciliable, que soit tu choisissais un chemin ou l’autre mais qu’il n’y avait pas de chemin de traverse. Et avec Galilée, j’ai vu que ça pouvait être « tressé ». J’avais déjà commencé cette tresse à travers l’écriture, à travers les essais, mais plastiquement c’était plus difficile. 

Lia : Et finalement, tu as réussi à défaire le nœud en liant les deux ! 

Raphaël : Toute ma pratique était liée à cette histoire de nœud,  de plusieurs histoires qui s’entremêlent. Quand je voyais certains artistes qui utilisaient le skate dans leur pratique, pour moi c’était souvent trop pop, ce n’était pas du tout ce que je voulais faire. Et là, tout à coup, Galilée, le skate, des objets du 17e, du 18e siècle, les formes abstraites de la sculpture moderniste, des choses qui a priori, n’ont rien les unes avec les autres et qui pourtant communiquent, se répondent. Le lien, c’était la géométrie et le mouvement. Entre les expériences de Galilée et la pratique du skate, il n’y a pas qu’une analogie formelle. Galilée utilise un instrument en forme de U comme, dans une rainure, il fait rouler une bille et l’observe. La question qu’il se pose c’est quelle est la différence d’accélération entre un plan incliné et un arc de cercle par exemple ? On sait bien qu’en géométrie le chemin le plus court entre deux points, c’est une ligne droite mais si tu ajoutes la gravité, le chemin le plus court entre un point haut et un point bas ce n’est plus la ligne droite du plan incliné mais une courbe. La courbe est plus longue mais elle provoque une accélération plus importante de la bille qui arrivera bien avant celle qui circule sur le plan incliné. Et quand tu pratiques le skate ou le roller, tu sais très bien qu’une courbe est plus qu’un plan incliné. Dans son expérience, Galilée observait la bille, du dehors, les skateurs vivent l’expérience de l’intérieur. 

Lia : Si je comprends bien, le chemin qui, à priori, semble plus court serait finalement plus long ? 

Raphaël : C’est un peu comme le périf ! Tu veux partir de chez nous jusqu'à la porte de Clignancourt en ligne droite, tu vas avoir des tas de feux rouges. Mais si tu prends le périf qui forme un grand arc de cercle, une courbe, tu vas faire plus de kilomètres mais il y a plus d’accélération, donc tu arriveras plus vite ! (rires)

Lia : Ta façon d’avoir concilié le skate avec ta pratique artistique pourrait aussi être comparée à une courbe !  (rires) Et finalement, on pourrait dire que tout est question de gravité ? 

Raphaël : C’est un élément fondamental pour la sculpture, la gravité. Et peut-être plus encore depuis des œuvres comme celles de Serra au début années 60. Donc oui c’est clair, la gravité est un aspect important de la sculpture et un aspect déterminant du skate et de toutes les pratiques non motorisées parce que c’est la gravité qui génère le mouvement et vu sous cet angles les formes et la pratique de skateboard peuvent croiser des questions sculpturales. Ce que le skateboard, autant que les expériences de Galilée m’a permis de réaliser, c’est que les formes géométriques, pyramides, arc de cercles etc ont aussi des forces, que l’on va plus vite sur les pentes d’un cylindre que sur celles d’une pyramide. 

Lia : Certaines de tes sculptures sont praticables et invitent à une interaction directe, d’autres proposent un déplacement dans l’espace autour. 

Raphaël : Tout à fait. La première série de grandes sculptures modulaires, « Les Prismatiques », on se balade autour, c’est plutôt traditionnel comme type de mouvement. Dans ces pièces, le mouvement est interne, toutes les sculptures sont composées à partir d’un seul et même module, un triangle rectangle tronqué, c’est le nombre et la disposition du module qui génère la forme des œuvres. Tu peux voir ces œuvres comme des chronophotograhies où le module se déplace. Il y a deux mouvements, un mouvement interne qui crée la composition de l’œuvre et le mouvement du spectateur qui choisit les points de vue. Dans la série qui a suivi, « Paving Space », j’ai utilisé un module géométrique un peu plus complexes conçu par un mathématicien allemand, Arthur Shoenflies, à la fin du 19e siècle. Ce sont à nouveau des oeuvres modulaires, les formes s’imbriquent, mais cette fois, les sculptures sont praticables.

Lia : Ces pièces praticables supposent une forme de performance et du dépassement de soi, à travers l’expérience des formes.

Raphaël : Dans la pratique du skate,  chaque obstacle invite à se dépasser. Ce qui était intéressant dans la réalisation de ces pièces, c’est que ça allait dans les deux sens. Je revenais d’Allemagne où j’avais découvert les objets de Schoenflies et je voulais en faire des sculptures. Mais je ne savais pas encore très bien comment m’y prendre, quel matériau, quelle échelle, quelle méthode… C’est à ce moment que des amis skateurs sont venus me voir pour me proposer de construire des sculptures, ou en tous cas, des obstacles skatables dans le cadre d’une collaboration entre leur marque de skate, Isle et Carhartt. A mon sens, la sculpture skatable, ce n’était pas un but ou une idée en soi. Il existe des tas de skateparks et de modules de skate et je ne voyais pas très bien ce que j’aurais pu faire de mieux. Mais Sylvain Tognelli, l’un des skateurs, a prononcé une espèce de formule magique «  on n’a pas envie que ça t’éloigne de ce que tu fais en ce moment ». Alors je leur ai montré un des modules de Schonflies dont la forme évoque celle d’une demi pyramide tronquée. Je leur ai dit qu’il y aurait sans doute moyen de faire quelque chose avec ça, mais que les pentes à 45 degrès me semblaient un peu raides pour la pratique du skate. Ils m’ont répondu « à chacun son problème, tu te débrouilles avec tes sculptures et nous on s’adaptera à la pente ! ».

Lia : Et ils ont réussi à relever le défi ! Je suis toujours impressionnée de voir les skateurs en action. Je crains tellement les chutes. 

Raphaël : Parce qu’il y a différentes manières de se dépasser. En skate, c’est toi qui choisis ton obstacle, que ce soit par dessus 15 marches ou un glissant sur un petit trottoir de 15 cm, il s’agira toujours de s’adapter et de se dépasser, d’essayer des choses de plus en plus difficile, mais en fonction de ton niveau, de ton audace et de tes peurs… Bien sûr les images et les clips qui circulent le plus, sont celles qui documentent les cascades les plus périlleuses. C’est toujours cet aspect « sensationaliste » des médias. C’est la même chose pour l’art quand on met en avant les ventes d’œuvres qui partent à des millions. Mais quand tu y regardes de près, il y en a très peu qui arrivent à sauter une dizaine de marches. En tous cas,  au moment où les skateurs sont venus me voir, j’avais déjà commencé à travailler à partir de Schoenflies, mais j’étais bloqué. J’essayais de respecter les règles du mathématicien concernant les emboîtements des modules, et les compositions auxquelles j’arrivais n’étaient pas convaincantes. En ajoutant comme paramètre à ce projet la pratique du skate, cela me donnait une échelle pour les œuvres. Le mètre étalon des skateurs c’est le banc, je savais donc que la hauteur de mon module serait entre 40 et 45cm… cela transformait également la méthode de travail, j’ai réussi à me passer de la règle du jeu de Schoenflies pour en trouver une autre, plus adaptée à la composition de volumes praticable par les skateurs. Grâce à cette nouvelle règle, j’ai pu sortir de l’impasse et découvrir de nouvelles configurations, sculpturalement beaucoup plus convaincantes !

Lia : Un peu comme un casse-tête. 

Raphaël : Un peu oui. Comme ces casse-têtes en bois qu’on arrive jamais à faire parce qu’on veut respecter la règle du jeu, la bonne manière de faire, celle qui est inscrite sur la notice... Alors que si tu changes la règle, tu peux pouvoir générer des nouvelles formes, inventer un nouveau jeu donc. Tu n’auras pas résolu le casse-tête mais tu auras conçu une nouvelle configuration spatiale. 

Lia : J’ai toujours pensé que les règles étaient faites pour être contournées ! (rires) Tu me confortes dans cette idée. Quoi qu’il en soit, ces détournements permettent de changer de point de vue. 

Raphaël : Tout à fait. Et dans ce dialogue avec les skateurs, ça m’a permis de résoudre un problème à l’atelier, et ça leur a permis de tester de nouvelles figures. 

Lia : Et dans tous les sens du terme. Des figures sculptures et des figures performatives. 

Raphaël : C’est ça, le mouvement est double. Il y a celui des skateurs et celui des modules que tu peux monter, démonter, changer de place…

Lia : Toute une chorégraphie en somme. 

Raphaël : J’ai toujours été persuadé de l’aspect chorégraphique du skateboard. Et ça m’a fait plaisir que des chorégraphes s’intéressent aussi au projet. Notamment mon amie, Julie Desprairies, qui fait beaucoup de pièces in situ pour des bâtiments ou des paysages, et Thierry Thieû Niang, qui avait utiliser 4  modules de Schoenflies comme scénographie d’un de ses spectacles à Marseille. On travaille tous les trois en triangle sur un projet chorégraphique à partir de ces volumes. 

Lia : Même lorsqu’il s’agit de rapports humains, tu es dans une approche géométrique.

Raphaël : Il faut croire que mon usage des figures géométriques ce n’est pas tant une décision qu’une manière d’être. Au début du 20e siècle, un philosophe étudiait ça, les tendances géométriques, les tendances figuratives. Ceux dont le plaisir va vers des représentations  disons naturalistes et ceux dont les tendances sont plus ornementales, géométriquement ornementales même. J’ai grand plaisir à regarder des corps humains, vivants… mais en ce qui concerne l’art, je suis bien plus à l’aise avec les formes construites, les volumes géométriques, les espaces architecturés etc.

Lia : Pourrait-on dire que ces œuvres participatives effacent d’une certaine manière la frontière entre l’art et le ludique ? Se rapprocherait-on du design ? 

Raphaël : Il y a toute une histoire de la sculpture praticable. Et plus la sculpture est utilitaire, plus on se rapproche du design, bien sûr. Il y a des tas d’artistes qui ont conçu des airs de jeux, des murs d’escalades dans l’espace public. Les sculptures de Paving Space, installées sur une place, pourraient avoir un triple statut de sculpture, de banc public et de spot de skate, mais ce n’est pas si simple. Quand tu construis un skatepark, ou un spot de skate, il y des normes à respecter. La géométrie de cette série ne les respecte pas, enfin, je ne désespère pas de pouvoir les installer, même temporairement, dans l’espace public. Mais pour répondre plus précisément à ta question, je ne crois pas qu’il y ait une différence intrinsèque entre le design et la sculpture, et s’il y en avait une, je ne la situerai sans doute pas du côté de la fonction. Pour moi la différence serait essentiellement une question de contexte et d’histoire. Par rapport à quoi et par rapport à qui se situe-t-on quand on produit une forme, dans quel continuum historique choisit-on de se situer ? C’est plutôt comme ça que je vois l’art. À chaque fois que je fais quelque chose à l’atelier, c’est dans un constant dialogue avec d’autres personnes, d’autres artistes, et qu’ils soient vivants ou mort depuis des siècles, cela ne fait aucune différence. Le dialogue se fait au présent. C’est la magie de certains objets, de la littérature et des œuvres d’art. Que je lise Hamlet, une nouvelle de Borges ou le dernier romain de Jean Echenoz, les œuvres sont au présent, Borges et Shakespeare me paraissent tout aussi vivants qu’Echenoz… Ce sont ces discussions qui m’aident à produire les formes, qui m’y autorisent presque. 

 Lia : Ça me fait penser à un professeur de mathématiques au lycée Rodin, Monsieur Valabrègue, qui nous incitait en permanence à réfléchir les mathématiques, la géométrie à la lumière de l’histoire et de la philosophie. Même si je ne comprenais pas tout, il nous poussait à dépasser les limites de l’esprit.

Raphaël : J’aurais sans doute été plus attentif en classe si, en plus de leurs théorèmes, on m’avait appris qui étaient Thalès et Pythagore, et dans quel contexte historique et intellectuel ils avaient fait leurs découvertes. Et plus encore, si l’on m’avait expliqué que ces formules avaient pu servir, il y a plus de 2000 ans, à calculer la distance de terre à la lune, un calcul qu’il m’était possible de refaire grâce à eux… Je crois que j’aurais pris conscience de la valeur de ces théorèmes qui ne sont pas moins extraordinaires qu’une formule magique.

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