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AMÉLIE PICHARD

créatrice, consultante, fondatrice du Bureau Synthétique et de Calm de Campagne

Depuis notre précédent café matinal Comme Un Roman-Photo en 2016 avec Amélie, beaucoup de choses ont changé.

Amélie Pichard avait ouvert sa boutique rue Lappe à Paris, elle a multiplié les collaborations avec Pamela Anderson, Nabila et bien d’autres, Amélie est devenue mère, elle a fermé la boutique, quitté Paris pour la campagne, a lancé son compte Instagram Calm de Campagne et tout dernièrement, le Bureau Synthétique pour accompagner les marques dans leur développement au sens large, de la direction artistique au marketing.

Nous nous sommes retrouvées en Visio pour la première fois, en face à face, d’un cadre à un autre, et avons parlé sans filtre des années qui passent, des rebondissements de la vie, de la maternité, de la difficulté à se déconnecter pour se reconnecter à soi-même, du besoin de se libérer de l’Ego trip.

Entre autres...

Lia : Changement de cadre et de décor ! Incroyable, cette vue !

Amélie : Je reviens juste d'une balade en forêt ! 

Lia : Depuis notre dernier café, il y a eu tant de changements. 

Amélie : D'ailleurs, notre premier café matinal, c'était quand ? 

Lia : Je dirai 2016 ? Avant l'ouverture de ta boutique.

Amélie : Oui, j'avais les cheveux raides, c'était juste avant. 

Lia : C'est marrant de se souvenir des périodes en fonction des coupes de cheveux ! Il y a un vrai sujet capillaire.

Amélie : Grave (rires) ! Mes cheveux, depuis que je suis gamine, c'est un vrai sujet. 

Lia : Tu viens de lancer Bureau Synthétique ! Est-ce qu'on peut dire que c'est une synthèse de tout ce que tu as fait depuis dix ans ? 

Amélie : Oui, on peut même dire que Bureau Synthétique a travaillé pour Pichard pendant 10 ans. J’ai donc voulu réduire l'activité de la marque pour pouvoir travailler avec d'autres. Pichard me prenait tout mon temps, donc aujourd’hui le site sera fermé 300 jours par an. J'ai été au bout des valeurs que je voulais développer pendant toutes ces années, et aujourd'hui, je vois ma marque plus comme un happening, ou une performance artistique que comme quelque chose de commercial. J'ai mis un an à chercher la formule avant de la trouver. C’était complexe, il y a plein de trucs légaux qui s'entrechoquent avec des envies plus personnelles. Pour moi, c'était une évidence que Pichard soit la cerise sur le gâteau Synthétique, et non pas l’inverse. Je garde cet espace comme une page blanche, une sorte de galerie numérique où il se passera des choses de temps en temps. Des expériences, des objets, des lieux.  Maintenant, on va dire que je travaille 95% du temps avec Bureau Synthétique. Quand tu as bossé autant de temps pour toi, c'est hyper agréable de se consacrer aux autres ! 

Lia : À chaque collection, tu arrivais à nous étonner par des campagnes, collaborations les plus étonnantes comme avec Pamela Anderson ou Nabila. Toujours avec beaucoup d'humour ! Pichard ce n'est pas seulement des sacs et des chaussures mais un état d'esprit. 

Amélie : J'ai toujours voulu sortir de la mode, faire de l'artisanat, des objets. J’avais plein d'envies mais la réalité économique m'a empêché de développer tout ce que je voulais faire. Travailler pour les autres me permettra de développer mes envies sans avoir la main de A à Z. C'est exactement ce dont j'ai besoin dans cette nouvelle vie. Devenir mère en même temps que venir vivre à la campagne, c'était tellement intense que ça m'a transformée. C'était dur de ne pas se reconnaître. Et quand on ne se reconnaît plus, il est temps de faire le point sur ce qu'on veut et ce qu'on ne veut pas. La maternité m'a bouleversée autant physiquement que mentalement, j'oubliais plein de choses ! (rires)

Lia : On perd quelques neurones pendant la grossesse ! Un peu comme si on devenait plus animal, instinctive. Et en effet, en tant que hyper actives que nous sommes, c'est très déstabilisant de ne pas être aussi performantes qu'on le voudrait. C'est une période de ralentissement et quelque part, c'est pas plus mal, on revient à l'essentiel comme face à un deuil, d'ailleurs, donner la vie, c'est une forme de deuil.  C'est bouleversant.  

Amélie : Complètement ! 

Lia : Je me souviens qu'à une période, tu avais fait un gros clean sur Instagram et d'un coup, tu ne suivais plus personne. 

Amélie : Mais oui ! C'était une énorme erreur ! C'était au moment où j'ouvrais la boutique. Tout le monde pensait que j’étais au top, alors que j'étais au plus mal. Je me sentais noyée et je ne supportais plus de voir la vie de certaines personnes. Alors pour ne plus voir leurs vies, je me suis dit qu'il fallait que je fasse un grand nettoyage sur Instagram… Mon mec m'avait dit que je faisais une connerie. En plus, ça tombait à un très mauvais moment, pile quand j'avais le plus besoin des gens. Beaucoup ont cru que je n’en avais rien à faire des autres alors qu'il s'agissait simplement d'un mal être face aux réseaux sociaux  ! C'était un gros bordel (rires)

Lia : C'est fou comme les réseaux sont devenus incontournables pour tous les indépendants et en même temps, tout se mélange, l'intimité des uns, les enfants des autres, les vacances, les publicités, les œuvres.  Comme tu le disais, ce qui est dingue, c'est que même en ayant conscience qu'on ne montre que certaines facettes, on est les premières à savoir que ce n'est pas la réalité et pourtant on peut se laisser submerger par les comparaisons sans prendre le recul nécessaire. 

Amélie : Après avoir accouché, je ne savais plus comment agir sur les réseaux. Clairement, je trouvais préférable de ne pas publier mon gosse sur les réseaux. Du coup, j'avais la peur du mauvais œil, ça m'a bloqué. Pour la première fois de ma vie, je comprenais les gens qui me disaient "Tu es à l'aise sur Insta, moi je ne sais pas comment m'y prendre". C'était comme une remise à zéro, j'étais presque perdue. Je ne voulais pas poster mon gosse pour devenir la meuf qui avait déjà pas mal montré son bide et qui poste en plus son môme tous les jours. C'est à ce moment là que j'ai commencé le compte Calm de Campagne pour présenter un projet autour de l'habitat et de la campagne. Je n'arrivais pas à me remettre sur le compte Pichard. 

Lia : Moins on fait, plus ça devient difficile de reprendre un rythme avec Instagram et avec n'importe quelle activité finalement comme le sport.

Amélie : C'est fou comme on peut se prendre la tête sur ce types de sujets ! (rires)

Lia : Tellement...

Amélie : Le temps qu'on passe sur les écrans ! Depuis la grossesse, c'est fou, j'y reviens à chaque fois (rires), j'ai arrêté de bosser sur l'ordi, j'ai appris à travailler uniquement sur le téléphone. Et le fait d'être loin, tu te dis qu'au moins tu vois ce qui se passe ailleurs !  Je dis souvent que j'ai changé de cadre de vie mais je n'ai pas changé de mode de vie. Alors que potentiellement, j'en aurai rêvé mais c'est la réalité. La chose qui change, c'est que quand je regarde par la fenêtre, je ne vois plus la rue mais la forêt ! 

Lia : Le fait de pouvoir travailler de partout, ça reste une liberté. 

Amélie : Oui, aujourd'hui, j'ai deux casquettes, je m'occupe de la partie DA et image, contenus, storytelling autant que de la partie produit et c'est quelque chose que j'aime passionnément mais que je ne voulais plus appliquer pour moi. Accompagner les autres, leur expliquer les limites, les pièges, ça décloisonne. En tant que consultante, je rencontre plein de gens différents, c'est vraiment cool. Il y a tant de choses que je peux apporter, transmettre, c'est passionnant. 

Lia : Donc maintenant, Amélie Pichard est derrière Bureau Synthétique forte de l'identité Pichard ? Comment tu t'y retrouves ? 

Amélie : Je me disais pendant longtemps qu'il n'y avait pas de différence entre Amélie Pichard la marque et moi-même. J'ai fait plein de choix qui n'étaient pas bons pour le business justement parce que je voulais transmettre mes valeurs. Si la marque avait eu un autre nom, potentiellement, je n'aurais pas fait les mêmes choix. Forcément, je suis passée par une crise identitaire totale ! Est-ce que je suis Amélie, est-ce que suis Pichard, qui suis-je ? J'ai donc fait le choix que mon bureau de consulting s'appelle Synthétique aussi parce que je ne voulais pas l'appeler Amelie Pichard Studio, les gens auraient trouvé ça bizarre qu'une marque se mette au service d'autres marques. Maintenant, je me réapproprie mon identité pour capitaliser mes expériences. Il aura fallu que je m'en détache, que je chasse mon identité pour me la réapproprier. Tout gravite autour de moi, autant Pichard que Bureau Synthétique. Après avoir voulu m'effacer, travailler en sous-marin, aujourd'hui j'assume : Amélie Pichard fait plein de choses.            

Lia : Trouver sa place, trouver l'équilibre entre ce qu'on fait et notre égo, ce n'est pas évident. 

Amélie : C'est clair, surtout aujourd'hui où tout est accès autour de l'égo. Quand j'ai pris des distances avec les réseaux, c'était le bonheur de ne plus être dans cet ego trip ! 

Lia : En tant que créatif, on ne va pas se mentir, le regard des autres est une approbation de notre travail ou de ce qu'on incarne. Et maintenant, même si tu voulais travailler dans l'ombre avec le bureau synthétique, on viendrait te consulter parce que tu es Amélie Pichard, tu l'incarneras toujours, c'est ton ADN et celui du bureau Synthétique. 

Amélie : C'est drôle parce que chaque client ne cherche pas forcément la même chose, ça me fait prendre conscience de mes côtés multiples. Certains viendront pour mes valeurs, mes convictions, d'autres autour d'un modèle économique, d'autres pour créer des images  ou des discours. Moi qui n'aime pas les étiquettes, je me dis, chacun à son propre sens de lecture.


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